Organisation et gestion des risques en salle des marchés.

 

BACHELET, Rémi

Université Paris IX - Dauphine, CERSO

75775 Paris Cedex 16

http://www.ec_lille.fr/rb

bachelet@dauphine.fr

 
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Comment des organisations intervenant dans un environnement à la fois complexe, concurrentiel et très turbulent gèrent-elles le risque ? C'est par l'étude de situations concrètes dans les salles des marchés financiers que nous abordons le problème de la maîtrise des risques dans l'organisation.

Notre travail empirique nous conduit à construire notre analyse de l'organisation en regroupant les systèmes de gestion des risques mis en oeuvre dans les salles des marchés autour de trois métaphores d'organisation : celles de l'appareil, du marché et du réseau. Nous constituons ensuite ces trois métaphores en idéaltypes afin de les explorer rationnellement.

Nous pouvons ainsi proposer une nouvelle mise en évidence des pratiques de gestion des risques en environnement complexe, mais également nous positionner par rapport au problème de 'la nature de l'organisation' tel qu'il est abordé par l'économie des institutions.

Les enseignements de notre recherche portent sur la nécessité de la prise en compte de la pluralité des modes de gestion des risques et sur la pertinence de l'approche actuellement mise en oeuvre dans les salles des marchés.

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How do organizations working in a simultaneously complex, competitive and turbulent environment manage risk ? We study this issue through participant observation of trading rooms. Our empirical study leads to structuring our analysis of risk-control around three metaphors : the Apparatus, the Market and the Network. We then design these metaphors into ideal types in order to explore them.

We propose a new characterization of complex environment risk management practices and specify our position on the question of the 'nature of organization' as it is tackled of institutional economics. Conclusions of our study bear on the necessity of taking plurality of organization into account. Finally, we suggest ways of improving risk management in dealing rooms.

  __________________________________________     Organisation et gestion des risques en salle des marchés.

 

 

 

BACHELET, Rémi

Université Paris IX - Dauphine, CERSO

75775 Paris Cedex 16

http://www.ec_lille.fr/rb

bachelet@dauphine.fr

 

 

 
La notion de risque est de plus en plus souvent invoquée par les sciences de gestion comme concept explicatif du fonctionnement de l'entreprise. Sans doute faut-il voir le reflet d'une évolution globale de nos sociétés qui pourrait se décliner en trois points : la mise en jeu de puissances de plus en plus importantes, un environnement aux évolutions brutales et imprévisibles, et enfin l'adoption de stratégies de plus en plus sophistiquées. Les marchés financiers constituent un exemple cardinal de ces facteurs.

 
Le concept de risque recouvre un champ extrêmement vaste. Il est transverse à de nombreux domaines : finance, contrôle de gestion, économie, sociologie, psychologie. Pour situer notre recherche, nous choisirons de les classer selon trois perspectives: la perspective économico-mathématique, celle dominée par la notion de rationalité limitée et enfin celle d'inspiration sociologique.
 

Si ces trois perspectives différent radicalement, en particulier par leur modélisation du contexte, elles entretiennent un dialogue permanent. C'est avec cette préoccupation que nous avons tenté de comprendre le fonctionnement d'organisations qui reposent sur la gestion continue de risques importants : les salles des marchés financiers. Leur examen renvoie en effet à la fois aux problèmes du 'risque acceptable', des procédés mathématiques qui permettent de le calculer et de l'organisation qui met en oeuvre les méthodes de gestion de ces risques [2]. Toutefois, par notre approche empirique de l'organisation, c'est surtout dans cette dernière approche fondée sur la rationalité procédurale que nous nous situons.
 

La gestion de risque est le rôle essentiel des salles des marchés.

 

Qu'est-ce qu'une salle des marchés ? En première analyse, celle-ci est un simple intermédiaire ouvrant l'accès aux marchés financiers : pour les clients de la banque qui souhaitent acheter ou vendre des produits financiers et pour les services de l'établissement (gestion de trésorerie, émission de titres, gestion de fonds communs de placement..). Intrinsèquement cette vocation d'intermédiaire ne justifie en rien l'importance cardinale prise par les salles des marchés dans les établissements financiers. Sans la montée des risques à laquelle on a assisté dans le domaine de la finance, celles-ci resteraient sans doute ce qu'elles étaient avant les années quatre-vingt : une série de services jouant essentiellement un rôle d'interface.
 

Nul n'est besoin de démontrer que le monde de la finance est risqué [3] : les krachs et les faillites qui le secouent à intervalles réguliers sont là pour le rappeler. C'est donc sous le signe du risque et du développement des marchés financiers que s'opère l'avènement des salles :

Tous ces éléments ont conduit à l'adoption dans le monde entier d'une forme d'organisation caractéristique : le rassemblement sur un plateau et sous une direction unique toutes les activités relatives aux marchés financiers, plateau sur lequel sont rassemblés des moyens humains et matériels considérables. L'enjeu est de permettre le traitement d'une grande quantité d'informations et la prise rapide de décisions aux conséquences importantes.

 
La gestion des risques est donc une fonction essentielle des salles des marchés. Mais quels risques ? Omniprésent dans le monde des institutions financières, ce concept n'en reste pas moins flou à l'examen. À l'image du concept de qualité dans l'industrie, il a pour vertu essentielle son pouvoir de mobilisation et, peut-être corrélativement, son ambiguïté. On parlera ainsi tout à la fois de risque de crédit - lié à la solvabilité d'un emprunteur - , de risque de liquidité - lié à la gestion de flux financiers -, de risque opérationnel - lié au traitement des engagements - de risque de taux - lié à leurs variations -, de risque déontologique - lié aux détournements et délits d'initié - et ainsi de suite...

 
Si notre terrain est bien délimité - les salles des marchés de grands établissements financiers à travers le monde -, il nous reste donc à circonscrire ce que nous entendrons par 'risque'. Nous avons choisi de centrer notre recherche sur la gestion du risque de marché, défini par le comité de Bâle comme les conséquences auxquelles l'on est exposé "par suite d'évolutions défavorables du niveau ou de la volatilité des prix du marché"  [4] (Comité de Bâle 94).

 
Le risque de marché est tout à la fois :

 
Modalités de gestion des risques mises en oeuvre dans les salles des marchés

 
Résoudre la question de l'accès aux salles des marchés est un problème en soi, en effet de nombreux obstacles doivent être levés : les traders [5] sont souvent surchargés de travail et très peu disponibles, le milieu des marchés utilise un langage hermétique au profane, les informations circulant dans les salles sont souvent considérées comme confidentielles...
 

Nous avons de ce fait adopté une approche en deux temps. Dans un premier temps, postulant que le meilleur moyen de rentrer en contact avec des professionnels des salles des marchés était de travailler avec eux, nous nous sommes fait embaucher en convention Cifre comme ingénieur de marché dans une grande banque. Une année d'observation participante nous a permis de constituer et de valider notre objet d'étude à travers des concepts comme ceux de position, d'interdépendance des produits et de l'établissement d'une grille d'analyse des différents métiers exercés par les opérateurs. Cette première période nous a également permis, en sus de notre apprentissage du 'métier', d'obtenir des contacts et des recommandations. Ainsi, dans un deuxième temps, nous avons pu accéder à d'autres salles des marchés sur les places financières de Paris, Hong Kong et Londres. Nous y avons conduit une série d'entretiens semi-directifs qui nous a permis d'élargir considérablement nos observations du fonctionnement des salles.
 

Le thème de la gestion des risques en salle des marchés suscite de nombreuses pistes de réflexion : on évoque à la fois la mise en place de systèmes d'information de 'pricing', de limites de positions interdisant aux opérateurs de prendre des engagements au delà de montants donnés, de pertes maximales autorisées ('stop loss'), d'entraide entre opérateurs en cas de problème, mais aussi d'audits-surprises et de la mise en place de 'Middle-offices' composés d'équipes spécialisées dans le 'risk-managment'. On constate que les traders sont souvent intéressés aux profits qu'ils réalisent par des primes parfois très importantes, mais qu'ils sont facilement renvoyés s'ils n'atteignent pas leurs objectifs. Notre attention a également été attirée par les enjeux suscités par la mise en place de logiciels de suivi de l'activité globale - reliant parfois des filiales distantes de milliers de kilomètres - et par la complexité des produits financiers manipulés, qui pointe la difficulté extrême d'un tel contrôle. On remarque enfin que les salles des marchés sont soumises à un perpétuel changement, tant le turnover des opérateurs peut être important, et que leur étude est complexe du fait des multiples relations entretenues avec des personnes extérieures à la salle : confrères, courtiers..

 
Notre premier constat est donc celui de la pluralité des systèmes de gestion du risque. Comment imaginer les outils nécessaires à une compréhension scientifique de l'organisation ? Il nous semblait impossible d'intégrer toutes nos observations dans un modèle d'organisation unique. Nous avons donc ordonné les procédés de gestions de risques observés sur le terrain autour de trois métaphores d'organisation :
 

 
La construction d'idéaltypes d'organisation
 

Nous avons commencé notre travail sur la gestion des risques par la construction de notre objet d'étude et par l'inventaire des systèmes de gestion des risques existants en salle des marchés, puis nous les avons ordonné autour de trois métaphores d'organisation : celles de l'appareil, du réseau et du marché. Nous sommes ainsi passé d'une démarche de recherche descriptive à une approche plus exploratoire (Post et Andrew 82). Il est donc désormais nécessaire de clarifier les outils analytiques que nous mettons en oeuvre, ainsi que leurs fondements. Pour cela, le passage en revue de la littérature sur le risque que nous avons entrepris en ouverture de ce papier ne saurait être suffisant. Il nous faut désormais nous situer, non par rapport au concept de risque, mais par rapport à celui d'organisation.
 

Comment relier notre approche de l'organisation aux problématiques de recherche actuelles en sciences des organisations ? La question que nous formulons se rattache à celle de l'économie des institutions. "Quelle est la nature de l'organisation ?". Elle a été formulée pour la première fois par Coase (37) à propos de la question de la taille optimale de la firme et de l'arbitrage marché / firme. Pour Coase, le fonctionnement d'une organisation (marché ou firme) occasionne des coûts. C'est selon la minimisation de ces coûts, appelés coûts de transaction que se détermine la forme d'organisation la plus adaptée à une activité donnée [8]. Pour notre part, nous ne situons pas ces modes de gouvernance sur un continuum marché - hiérarchie mais à partir de trois pôles : le marché, le réseau et l'appareil hiérarchique (Powell 90).

 
Si nous ne raisonnons pas non plus à partir du concept de coûts de transaction tel qu'il a été repris et développé par Williamson (80), mais nous fondons notre démarche sur la définition d'idéaltypes représentant des formes d'organisation cohérentes dont on peut isoler certains traits observables [9] (Weber 1922). L'idéaltype a été proposé par Max Weber comme un outil conceptuel permettant de structurer l'observation de la réalité. Il ne s'agit pas de représenter la réalité dans une optique platonicienne : on ne recherche pas la vraisemblance, mais la cohérence interne. Il ne s'agit pas non plus de la décrire, mais de guider son exploration. Un idéaltype n'est donc pas une représentation de la réalité, mais avant tout une construction logique et sélective, une stylisation qui met en évidence des éléments d'un phénomène considérés comme les plus significatifs.

La construction d'idéaltypes est d'autant plus utile que la polysémie forte des métaphores du marché, du réseau et de l'appareil fait courir un risque de confusion. La métaphore du marché peut par exemple susciter des références très différentes. Évoque-t-on le marché parfait Walrassien ? Sommes-nous au niveau macro-économique, à celui des relations entre firmes ? Précisons d'abord le niveau auquel nous nous situons : celui des relations entre individus ou groupes d'individus à l'intérieur de systèmes d'organisation. Le concept à partir duquel nous choisissons de définir nos idéaltypes est celui de règles dans l'acception que lui donne Reynaud [10] (89). Nous utilisons pour cela deux éléments: les modalités de définition des règles dans l'organisation et les liens entre participants [11]. Nous choisirons donc de définir

 

À partir de la définition de ces idéaltypes, il nous est possible de bâtir un tableau des systèmes de gestion des risques mis en oeuvre :
 

Idéaltype 

  Appareil 

  Réseau 

  Marché 

Processus de gestion des risques Volonté de contrôle rationnel des risques, ils sont analysés par un service de contrôle interne, puis contrôlés et centralisés. Prévention du risque par une réactivité accrue. La disparition d'un membre n'affecte pas le fonctionnement puisque les liens sont multiples et mobiles. Centres de responsabilité autonomes . Le risque est un problème qui relève de leur seule responsabilité.
  Protocoles de contrôle, services spécialisés. Absence de processus formalisés. Des responsables agissent à discrétion.
Dans la salle Formalisation et hiérarchisation des risques et pertes maximales acceptables (stop-loss). Des systèmes de traitement de l'information sont indispensables. Relations informelles dans et hors de la salle, 'coups de main'. L'opérateur ou l'équipe sont autonomes et intéressés aux profits et pertes.

 

À l'issue de notre travail trois constats, s'imposent :

‘Organisation’ n'est plus synonyme d'appareil : La vision de l'organisation comme un appareil, à la fois fruit et fondement d'un siècle de recherches en sciences sociales [12], se révèle singulièrement limitée. Si l'approche rationnelle de l'organisation apparait indispensable dans la gestion des risques, la mise en évidence d'autres modes de fonctionnement confirme qu'elle n'est qu'un élément parmi d'autres. Nous reviendrons brièvement sur les conséquences que le contrôle de gestion peut en tirer. L'organisation en réseau semble justifier la vogue qu'elle connaît actuellement, en mettant en avant une approche des risques basée non sur leur contrôle, mais avant tout sur leur prévention et la réduction de leurs effets.

Malgré sa puissance, le marché n'est pas autosuffisant : L'étude de l'idéaltype du marché, permet d'établir un bilan contrasté : son efficacité est en effet notable de prime abord et c'est en grande partie à partir de celui-ci que sont organisées les salles des marchés. De la sorte, les opérateurs ont la latitude nécessaire pour mettre en oeuvre leurs idées et réagir rapidement, ils sont également fortement incités à réussir. Il permet simultanément, de façon remarquable, d'assurer la continuité du fonctionnement de l'organisation malgré la rotation des personnes qu'il impose. Mais l'analyse met également en évidence un point critique : le marché n'est pas une forme d'organisation qui se suffit à elle-même. Il est en effet indispensable de l'inscrire dans un cadre permettant d'assurer le respect des règles. Dans les salles des marchés, les opérateurs peuvent disposer d'une zone de flou importante pour avancer des profits ou reculer des pertes, si des moyens importants ne sont pas consacrés au contrôle. De nombreux scandales récents peuvent s'expliquer par une mauvaise compréhension, voire un abus de marché en tant que forme d'organisation interne (Roche 95; Stern 96; Gallois 96; Delhommais 95 ).

Comment étudier l'organisation complexe ? Nous l'avons vu, notre travail sur l'organisation interne des salles des marchés tend à réfuter l'approche de Williamson : les 'modes de gouvernance des échanges' que l'on observe ne sont ni exclusifs, ni organisés selon un continuum. Nous les observons simultanément et ils sont souvent complémentaires. Nous constatons également qu'il est plus pertinent de travailler à partir d'une typologie qui cherche à distinguer des traits marquants de l'organisation sans préjuger de sa nature plutôt que par son classement à l'intérieur de catégories. Le concept d'organisation dépasse l'acception de 'hiérarchie' que lui donne l'économie des institutions et serait fondé sur la mise en cohérence de logiques différentes. Par ailleurs, notre approche à partir de la genèse des règles permet de prendre en compte simultanément des logiques d'organisation très différentes [13], selon une approche intégrationiste (Ménard 90).

Conclusions

 
Contrairement à ce que pourrait laisser penser une approche 'classique' de l'organisation, notre étude empirique montre que la référence à un modèle unique d'organisation ne peut permettre d'appréhender correctement les systèmes de gestion des risques en salle des marchés financiers. Nous nous sommes donc proposés de recourir aux trois métaphores de l'appareil, du réseau et du marché. Nous avons ensuite redéfini notre grille d'analyse en constituant ces métaphores en idéaltypes. Nous avons ainsi démontré que les modes de gestion des risques que nous observons répondent simultanément à ces trois idéaltypes, ils ne sont donc pas systématiquement antagoniques. Par exemple lorsqu'un contrôle 'par le marché' est mis en place, la fixation et le contrôle de règles de fonctionnement 'par l'appareil' est un préalable indispensable.

 
Au-delà du problème de la gestion des risques et dans la mesure où notre approche postule que l'organisation est un tout cohérent, nous pouvons proposer de tester la pertinence de cette grille dans l'étude de l'organisation toute entière. Elle se prêterait donc a être développée plus avant, en étendant le périmètre de caractérisation des idéaltypes du réseau, du marché et de l'appareil à d'autres domaines ; notamment ceux de la prise de décision (Bachelet 97), de la circulation des informations et de la définition des frontières de l'organisation. On pourrait ainsi inaugurer une nouvelle approche des organisations complexes et ouvertes sur leur environnement.
 

Dans l'optique de la gestion des risques en salle des marchés, nous pouvons formuler les pistes de recherche suivantes :
 

Pour nous, la maîtrise des risques est d'abord un problème d'organisation. Le risque ne peut être considéré comme 'accidentel', mais comme un phénomène auquel la salle des marchés est exposée en permanence. Le métier du banquier consiste fondamentalement à prendre des risques. Il ne s'agit donc pas de chercher à les éviter, mais plutôt de savoir les gérer en permanence à travers des formes d'organisation appropriées.

 

Notes

[1]   On peut bien entendu faire remonter l'approche mathématique de la prise de risque beaucoup plus loin dans l'histoire ; Les travaux de Laplace sur les probabilités et les jeux, par exemple, remontent à 1812, ou même à l'ainé des Bernoulli, Jacques dont l'ouvrage posthume Ars conjectandi est publié en 1713.
 
[2] Par exemple les faillites et scandales actuels que sont les affaires Daiwa et surtout Barings (Rawnsley 95, Leeson 96) se prêtent à une analyse selon ces différentes perspectives. On peut aussi bien justifier l'attitude du trader qui cache ses pertes par une conduite rationnelle fondée sur l'asymétrie de sa fonction d'utilité - il n'y a aucune différence pour lui entre faire perdre à son employeur 100 millions et 4 milliards -, qu'incriminer la perception du trader pour lequel, comme pour le joueur de Dostoïevski (1866), le risque perçu n'est plus celui de perdre de l'argent, mais de ne pas gagner la somme qui lui permettrait de rétablir sa situation, ou encore étudier la genèse des normes conduisant à la prise de risques de plus en plus élevés dans les salles des marchés.
 
[3] L'analyse des marchés financiers en tant qu'outils de transfert de risques est d'ailleurs particulièrement pertinente (Knight 1921, Simon, Y. 91).
 
[4] Par exemple le détenteur français d'actions Microsoft voit la valeur de son portefeuille varier avec celle des actions qu'il détient, mais également avec le cours du dollar contre franc.

[5]  Les salles des marchés comptent deux types d'acteurs principaux : les traders qui sont les opérateurs de marché et les vendeurs qui sont en relation avec la clientèle. Seuls les traders sont exposés au risque de marché.

[6]  Le risque est formalisé à travers des notions comme celles de 'points de sensibilité', 'Value at risk', couverture équivalent notionnel, 'grecques' (?, ?), impact de scénarios de krach... Celles-ci varient bien entendu selon les produits.
La consolidation des risques est une opération complexe, en effet, le risque engendré par deux positions est inférieur ou égal à leur somme. Les causes en sont la compensation des positions de sens contraire et l'effet de diversification.
Après avoir fixé les modalités de calcul et de consolidation des risques, on s'assure du respect des limites fixées. Du point de vue de la réglementation il faut citer le ratio Cooke imposé par le comité de Bâle, mais aussi ses équivalents édictés par la commission européenne et les législateurs nationaux.

[7]  De nouveaux facteurs de risques apparaissent en permanence, citons par exemple les changements récents dans le comportement des courbes de taux. Leurs mouvements ne sont plus parallèles comme on pouvait se permettre de le postuler auparavant.

[8]  Coase fonde sa réflexion sur la critique d'un postulat de la théorie économique de l'époque : celui selon lequel un système économique marche tout seul ('works itself'). Pour lui, il est indispensable de prendre en compte le fait que la coordination de l'organisation engendre un coût. Même dans le cas de la coordination selon le mécanisme des prix, le 'secrétaire de marché' Walrassien n'est pas gratuit.

[9]  Nous postulons par là le primat de la cohérence interne de l'organisation sur le concept de coûts de transaction.

[10]  Le concept de coût de transaction nous apparaît trop univoque. Il conduit en effet soit à une vision des 'modes de gouvernance' possibles très dichotomique (Williamson 80), soit à situer les organisations sur un continuum marché - firme (Williamson 93), les organisations réelles constituant souvent des formes hybrides se situant 'quelque part au milieu'. La théorie perd alors de sa valeur heuristique.

[11]  Ces deux éléments ne sont pas de nature différente, on peut assimiler les relations entre personnes à des règles de comportement.

[12]  Tout le XXème siècle est marqué par l'idée d'un nouveau stade du développement de l'humanité, stade positif et rationnel et c'est comme étude de ce modèle rationnel que se sont développées les sciences des organisations.

[13]  Par exemple le concept de frontière, qui est défini par de nombreux auteurs comme fondateur de l'organisation est singulièrement remis en cause par l'idéaltype du réseau. Ce dernier vide la notion de sa substance au profit de celle de proximité. Il défend également le constat selon lequel le phénomène 'organisation' dépasse les frontières des organisations formelles.

[14]  Un système de macro-couverture substitue une couverture globale des risques à l'usage qui veut que chaque trader ou chaque groupe de trader se charge de 'couvrir ses risques'. Il en résulte des économies considérables : économies d'échelles dans la mesure où on obtient 'des prix de gros', mais on évite également de payer la couverture des positions qui se compensent mutuellement.
 

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