Synthèse écrite par Rémi Bachelet, vous pouvez également consulter la bibliographie ci-dessous

 

Vous pouvez aussi vous reporter à mon cours : Méthodologie de l'entretien qui est ici :

http://rb.ec-lille.fr/Cours_de_recueil_analyse_et_traitement_de_donnees.htm

  

Sommaire

L'écoute en entretien : une synthèse

L'entretien

Qu'est-ce que communiquer ?

Les questions

L'écoute

Les difficultés de l'écoute

Les différents niveaux d'écoute

Les attitudes

Conclusion

Bibliographie

 

L'écoute en entretien : une synthèse

 

 

Il y a dans notre culture une croyance au spontanéisme relationel "On sent tout de suite avec qui on peut ou non parler". Ce devoir tente de montrer que ce spontanéisme relationel n'existe pas et qu'en fait, toute relation s'inscrit dans un apprentissage. N'enploie-t'on pas une expression comme "briser la glace" pour illustrer le moment où une relation machinale est ressentie comme un acte de communication ?

Nous réfléchirons dans ce devoir aux caractéristiques de la relation qui s'établit lors d'un entretien et aux conditions d'une meilleure écoute de l'autre.

 

 

 

L'entretien

L'entretien est par excellence le cadre dans lequel s'inscrit la relation de communication entre deux individus. Mais comment le définir ? D. Lagache donne à cette question la réponse suivante:

" L'entretien est une situation provisoire d'interactions et d'inter-influences essentiellement verbales, entre deux personnes en contact direct avec un objectif préalablement posé"

 

Reprenons chacun des termes de cette définition:

Situation provisoire: Cela veut dire qu'il y un avant, un pendant et un après l'entretien et même si nous nous préocuperons surtout du pendant ce qui est dit reste important et devra être pris en compte par un suivi approprié.

Interaction: Durant l'entretien, l'un des protagonistes va agir sur l'autre et réciproquement. La question se pose de savoir quelle attitudes et quelles façons d'être vont entraîner chez l'autre des attitudes et des réponses.

Essentiellement verbale: c'est-à-dire que la communication ne sera pas uniquement verbale. Quels seront les autres moyens d'expression mis en jeu à travers nos gestes, nos postures, nos mimiques ? Et au-delà des langages du corps, ils y a celui des émotions, des intentions, des désirs..  Il est donc important de prendre en compte la dimension non-verbale de la communication.

En contact direct: C'est-à-dire avec la capacité de se toucher. La proximité physique jouera donc un rôle ainsi que les postures et les accessoires de la relation (bureau, chaises..).

Avec un objectif préalablement posé: Le problème de savoir si les deux personnes ont pu clarifier leur attentes et leurs demandes, si elles savent pourquoi elles sont en présence se pose également comme incontournable.

 

Qu'est-ce que communiquer ?

La communication se structure autour de quatre démarches:

- Ecouter

- Entendre

- Dire

- Ne pas dire

 

Ecouter autrui impose un renoncement à parler, à se justifier, à convaincre, à répondre. Car l'enjeu fondamental de l'écoute est d'accueillir ce qui s'exprime.

Entendre l'autre demande d'abord de comprendre et de décoder chez lui divers langages; celui des mots et de leurs signification, mais aussi le langage corporel. Il est également important de distinguer les différents niveaux d'expression: celui des faits, celui des symboles et celui de l'imaginaire du locuteur.

Dire: Il est également important d'être capable de faire partager son propre vécu et sa perception de la réalité. Le dire se fait souvent avec des mots codés qui ont un sens et une valeur de référence pour le locuteur.

Mais dire, c'est aussi poser des questions. Nous parlerons des questions dans le chapitre suivant.

 

Ne pas dire est, paradoxalement, une forme de communication. Soit parce que certaines choses que l'on ne souhaite pas partager sont tues, soit parce qu'on doit différer l'expression de certains éléments pour un moment plus opportun, soit encore parce que lorsqu'une bonne compréhension est atteinte, les mots ne sont plus nécessaires. On parle alors d'empathie.

 

Les conditions de base de la communication sont au nombre de cinq:

- La disponibilité est la première condition. Elle peut être notamment mise en échec par la saturation de l'auditeur ou son besoin d'être lui-même entendu.

- Savoir se définir comme écoutant, dans ses demandes, ses attentes, ses limites ou ses contraintes.

- Une alternance de l'écoute. Il n'y a pas communication simultanée, seulement une communication alternée. Cette alternance est aussi celle des positions d'influence; Si c'est toujours la même personne qui influence, il y aura déséquilibre.

- Lors de l'échange, on peut ne pas être d'accord avec son interlocuteur. Il est alors important de créer l'apposition plutôt que l'opposition: On met son point de vue à coté de celui de l'autre plutôt que contre le sien. Etre entendu ne signifie pas être approuvé (d'ailleurs il y a souvent confusion entre "s'entendre" et "être d'accord" comme si communiquer signifiait "être d'accord")

- Il faut également être capable d'entendre avec suffisamment d'écho et de reformulation pour permettre à celui qui parle d'écouter ce qu'il dit.

 

Les questions

Consciemment ou inconsciemment, nous entrons le plus fréquemment en relation avec les autres par des questions. En principe, une question vise à améliorer l'information et la compréhension d'un problème, mais en fait le questionnement a de nombreux autres usages.

Les questions peuvent être:

- Des questions fermées: ces questions appellent des réponses courtes, positives ou négatives. Elles font progresser l'entretien par à-coups. Si ce type de questionnement est répétitif, l'entretien devient un interrogatoire. Les questions fermées tendent donc à réduire l'échange.

- Des question ouvertes: La fonction de ces questions est de laisser l'autre libre de donner sa réponse et éventuellement de la développer à son rythme et dans le sens qu'il souhaite. Les questions ouvertes stimulent et élargissent l'échange.

 

- Des questions manipulatrices: Elles visent à faire dire à l'autre ce que l'on souhaite qu'il réponde, par exemple "Ce film était formidable, n'est-ce pas ?". Elles disent indirectement ce qu'on n'ose pas énoncer: "Est-ce que quelqu'un aurait une envie folle de fumer ?"

- Les question-fuites ou défensives que sont les changements de sujet ou de niveau servent d'écrans pour éviter un sujet délicat et détourner la conversation.

- Les questions indirectes comme "que pensez-vous de monsieur X ? " servent "d'appel du pied" pour tester le terrain. Elles sont une variante affaiblie des questions manipulatrices car elles sont plus ouvertes.

- La question pourquoi est la plus mauvaise des questions, car elle entraîne une justification et met souvent l'interlocuteur mal à l'aise: "Pourquoi vous êtes-vous marié avec elle ? ".

- Les questions auto-réfléxives ou projectives parlent plus de celui qui les pose qu'a celui auquel elle s'adresse: "Vous auriez épousé, vous, un homme alcoolique ?"

 

Le rythme des questions est également important. Si l'investigation devient trop rapidement personnelle, elle peut provoquer un blocage susceptible de handicaper la relation future.

 

La réponse aux questions que l'on reçoit doit aussi être réfléchie. Répondre trop vite à une question, c'est prendre le risque de ne pas comprendre de quel sens elle était porteuse. Autrement dit, c'est éviter l'écoute de la demande dont la question était le véhicule.

 

La reformulation, l'amplification, la redondance sont des outils efficaces pour permettre l'émergence d'un message plus essentiel à celui qui parle. Soulignons aussi l'importance d'une reformulation positive.

Par exemple:

- "Tu ne me fait pas confiance"

- "Ce serait important pour toi que je te fasse confiance ? "

 

L'écoute

L'écoute est bien souvent la partie la plus négligée de la communication car remplir les silences, "tenir" la conversation, répondre, questionner semblent être la préocupation majeure de la conversation. Pourtant affiner son attention, multiplier son écoute en essayant d'entendre mieux les paroles de l'autre constitue 80% d'un échange.

 

Cette partie de l'échange, qui consiste à se décentrer, sortir de soi pour se centrer sur l'autre, est la plus difficile à réaliser et la plus mal connue.

 

Les difficultés de l'écoute

Ecouter signifie non seulement être capable de recueillir ce que l'autre veut nous dire intentionnellement, mais aussi d'entendre ce qu'il a du mal à dire et qu'il veut peut-être voiler ou retenir. C'est aussi être capable de reprendre et de résumer ce que l'autre vient de dire afin de lui permettre de se comprendre mieux lui-même. Une écoute compréhensive portera attention non seulement à la signification intellectuelle de ce qui est dit, mais aussi aux sentiments éprouvés dans la situation. On cherche à percevoir ce qui est vécu par l'autre en évitant d'y projeter ses propres peurs et ses désirs.

 

Cela voudra dire:

 

* Accepter de laisser l'autre parler, et donc se taire soi-même et renoncer à se justifier, à expliquer, à convaincre ou à répondre.

 

* Stimuler si nécessaire: " Peux-tu en dire plus ? "

 

* Relancer en quittant le niveau de la généralisation pour celui de la personnalisation, du témoignage vécu. "Où, quand, comment, avec qui?"

 

* Amplifier ce qui est dit (par la redondance ou la reformulation) et relier les éléments de la conversation entre eux.

 

* Etre sensible aux sentiments et aux émotions réveillés par cette écoute.

 

* Clarifier, réactualiser faire à intervalles réguliers la synthèse de ce qui a été dit.

 

Il est important d'être à l'écoute des signification et des échos venant de sa propre personnalité et ses propres expériences. Pour mieux comprendre celui que s'exprime, bien sûr, mais aussi pour réfléchir sur notre façon de ressentir son message et éviter de nous laisser aveugler par notre propre façon de ressentir.

 

Les différents niveaux d'écoute

Il existe trois niveaux d'expression possible:

 

- Le niveau des faits porte sur une simple relation d'un événement tel qu'on l'a vu ou qu'on y a participé. "En ouvrant un tiroir j'ai découvert cette lettre", "Je lui ai dit bonjour et il est parti en criant".

 

- Le niveau du ressenti reflète la façon dont une situation a été vécue et ce qu'on a éprouvé. "J'en ai eu marre", "je l'ai très mal pris". Ce niveau peut aussi être présent dans l'utilisation de langages parallèles: "J'en ai eu la nausée", "je suis parti en claquant la porte".

 

- Le retentissement est constitué de tous ce à quoi un événement renvoie dans l'histoire personnelle d'un individu, dans le registre de la célèbre madeleine de Proust. "J'ai eu la même sensation quand mon frère a cassé ma poupée préférée".

 

Une bonne communication est celle où l'échange circule dans chacun de ces trois registres.

 

Les attitudes

L'attitude adoptée par l'écoutant au cours de la relation va également jouer un rôle en favorisant la relation ou en lui étant néfaste. Ces attitudes sont au nombre de sept. On peut les classer en deux catégories: les attitudes d'influence et celle de non-influence.

 

Les attitudes d'influence sont

            - l'ordre

            - le conseil

            - l'évaluation

            - le support

            - l'interprétation

 

Les attitudes de non-influence sont au nombre de trois

            - l'enquête

            - l'information

            - la compréhension

 

L'attitude d'autorité consiste à indiquer à un auditeur ce qu'il doit faire et de le pousser dans une direction qu'on croit bonne pour lui. Il arrive que l'interlocuteur soit demandant et pousse l'autre à développer cette attitude.

 

 

 

Le conseil consiste à se substituer à l'interlocuteur pour lui suggérer ce qu'il doit faire. Autrement dit, on souhaite qu'il choisisse ce que l'on choisirait soi-même dans la même position. L'attitude de conseil est aussi une attitude de soutien.

 

L'évaluation peut porter sur les actes ou les opinions de l'interlocuteur, soit sur le terrain de la logique soit sur le plan moral. Dans tous les cas, il s'agit de porter un jugement de valeur sur l'autre.

 

Dans une attitude de support, on rassure l'interlocuteur et on lui apporte un encouragement en le confirmant dans ses ressources et ses réussites. Mais d'une manière ou d'une autre, le support implique que ce qu'il ressent n'est pas totalement justifié: Soit que le problème n'existe pas, soit qu'il ne soit pas aussi sérieux qu'il le paraisse.

 

L'interprétation explique et traduit les actes et les idées de l'autre. On lui indique quelles sont les raisons de ce qu'il a exprimé par rapport à nos grilles de références propres. Mais bien qu'on essaie d'apporter une réponse à ces problèmes, il est possible de faire des erreurs. La meilleure chose à faire lors d'une interprétation est de se contenter de proposer des hypothèses de compréhension en laissant l'autre en disposer.

 

Le but de l'attitude d'enquête est simplement d'en savoir davantage. En permettant à l'autre d'en dire plus, on cherche à relier les éléments, les faits, les comportements pour améliorer leur compréhension.

 

La compréhension peut être atteinte en s'efforcant de percevoir et de ressentir comme l'interlocuteur, puis en le lui rééxprimant de façon authentique et claire. Une telle attitude permet à l'autre de s'exprimer davantage, puisqu'il a la preuve qu'on l'écoute autrement.

 

La clef d'une bonne compréhension consiste à accepter qu'il se passe quelque chose entre les deux interlocuteurs; non seulement au niveau verbal, mais aussi au niveau émotionnel.

 

Conclusion

Lors de la réflexion sur l'écoute, il est tenant d'aller chercher des "trucs", des "techniques", des recettes permettant des contrôler la situation en entretien et donc, dans une certaine mesure l'autre. Si l'importance d'un certain savoir-faire dans la technique relationnelle ne peut pas être niée le problème fondamental qui se pose: "Qui est celui qui est en face de moi ?" - "Quelles sont ses attentes et ses demandes ?" - " Suis-je capable de me décentrer suffisamment de mes a-prioris est de mes certitudes pour me centrer sur lui et sur sa façon de voir et d'être ?".

 

Tout cela renvoie à notre propre façon d'être et, finalement à la question "Qui suis-je ?"

 

 

 

 

Bibliographie

Ce travail est très largement inspiré de deux livres de:

SALOMÉ Jacques, 92 "Relation d'aide et formation à l'entretien", Presses Universitaires de Lille

HILTNER, S. , 71 "Le conseiller en consultation", Desclée de Brouwer

Un livre sur la consultation pastorale écrit par un pasteur américain. Très concret car axé sur des cas pratiques d'entretien. Instructif sur le rôle du pasteur dans la société.